La danse de l’air d’Emmanuelle Rigaud – Maison d’arrêt des femmes de Fleury Merogis

La Fondation Villa Seurat pour l’art contemporain, sous égide de la Fondation de France, apporte son soutien financier à la réalisation de projets d’artistes ancrés dans une démarche sociale afin d’élargir le champ de la création artistique aux personnes en situation de vulnérabilité. Pour ces dernières, cette démarche doit ainsi permettre la transmission et l’appropriation des savoirs artistiques sur lesquels sont fondés les projets retenus.

La compagnie Les alouettes naïves, lauréate de l’appel à projet de la Fondation Villa Seurat, en partenariat avec le SPIP de l’Essonne, a présenté son spectacle La danse de l’Air à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Merogis au début du printemps 2019.
Le spectacle a été conçu, dans sa chorégraphie, et réalisé, dans ses décors, par les détenues, guidées et accompagnées par la chorégraphe Emmanuelle Rigaud et la plasticienne Catherine Aznar. Assistaient au spectacle un certain nombre de détenues, des gardiennes, des représentantes du SPIP de l’Essonne, et quelques personnes extérieures dûment autorisées par l’administration pénitentiaire.


Lorsque l’obscurité s’est faite et que le rideau s’est levé, sont apparues au centre de la salle, des guirlandes suspendues sur lesquelles se balançaient des motifs géométriques et colorés au travers desquels on apercevait la scène. De chaque côté de celle-ci, le décor se poursuivait, formant un autre jeu subtil de paravents. Et au son d’une musique orientale langoureuse puis de plus en plus entraînante, sont apparues une, puis deux, puis trois danseuses, puis toute la troupe des détenues, hanches ceintes d’écharpes en lamé, ventre nu, beaux visages maquillés dont les silhouettes à la féminité épanouie ont joué, au rythme de la musique, avec les lumières et le décor aérien et mouvant. De la salle ont fusé des youyous frénétiques, des tonnerres d’applaudissement, des sifflets d’admiration. A d’autres moments, c’est dans un silence empli d’un trop plein d’émotion que les détenues de la maison d’arrêt et le public ont suivi ce ballet inattendu et pourtant si juste dans sa subtile symbolique.


Danse de l’air…Filles de l’air, soif d’ailleurs, d’Orient, ces femmes, dans leur semi nudité, s’enroulant lascivement à toutes ces cordes colorées et lumineuses, étaient rêve de liberté. Rideaux, paravents, transparence des étoffes, la danse de l’air, danse du ventre, ramenait à la clôture, à l’enfermement, à une certaine condition de la femme.
Dans ce spectacle dont la musique et la chorégraphie leur étaient à toutes familières, chaque détenue, créatrice, danseuse ou spectatrice s’est reconnue. Toutes ensemble elles ont partagé un moment fort fait d’admiration et de reconnaissance.


Et comme si on voulait prolonger le charme du spectacle, un long moment d’échanges entre danseuses, chorégraphe, plasticienne, public et personnel pénitentiaire a suivi le baisser de rideau. Moment d’une richesse tout aussi forte où chacun a pu beaucoup apprendre de l’univers carcéral pourtant tout juste entrevu. Le corps de ballet des détenues rêvait de se produire de nouveau ; leurs camarades de les applaudir encore. Les gardiennes saluaient l’expérience sans cacher qu’elle pouvait ne pas être approuvée par ceux pour lesquels la peine ne peut connaître d’adoucissement. L’action de la Fondation Villa Seurat pour l’art contemporain repose sur un pari autre : l’expression artistique offerte à ces jeunes détenues devrait être un moyen de les préparer, un peu, à leur sortie prochaine.